Construire en terre, pour quoi faire ?

               Et si au lieu d’un château de sable on construisait une maison de terre ? Attention, pas une maison qui s’efface avec la marée mais une maison confortable et pérenne… Loin d’être un rêve impalpable, les maisons en terre existent, et depuis bien longtemps. Elles font partie de notre patrimoine. Discrètes, elles parsèment nos paysages d’hier et habillent ceux de demain.

               La terre crue, un matériau nouveau ?

Quand on parle de construction en terre crue, on pense souvent aux architectures vernaculaires et atypiques des pays chauds. Les images de Shibam au Yémen ou de Matmata en Tunisie sont parmi les premières qui viennent à l’esprit. Mais l’architecture en terre n’est pas une excentricité de ces pays lointains, on la trouve aussi beaucoup plus proche de nous !

La France compte en effet de nombreuses constructions en terre : maisons médiévales en torchis, souvent à colombages, longères bretonnes en bauge, maisons en pisé à Grenoble… Nos villes et nos campagnes sont parsemées de constructions en terre qui ont traversé les époques. Souvent masquée par les enduits, la terre crue se fait discrète et l’on peut passer à côté sans la remarquer. Pour les trouver, cherchez les bâtiments bâtis sur des socles de pierres et peut-être découvrirez-vous l’une de ces merveilles.

architectures en terre à travers le monde et les époques
Quelques architectures en terre à travers le monde et les époques

Encore aujourd’hui, un tiers de l’humanité vit dans une maison en terre. Loin d’être anecdotique, ce type de construction s’est développé à travers le monde grâce à la grande disponibilité du matériau principal. En effet, il s’agit d’un matériau omniprésent, utilisable sur place, malléable et très résistant. Il peut par ailleurs être mis en œuvre sous la forme d’un chantier participatif, réduisant ainsi grandement les coûts de construction.

Dans le contexte environnemental actuel, la terre crue apparaît comme une solution technique intéressante. Utilisée localement, elle permet de réduire l’empreinte carbone d’une construction, tout en offrant un espace confortable. Les différentes techniques de mise en œuvre qui existent offrent également des qualités esthétiques très intéressantes, ce qui explique la popularité croissant de ce matériau.

               Mais en fait, la terre, qu’est-ce que c’est ?

Cette matière provient de l’érosion des montagnes sous l’influence de divers processus (physiques, chimiques, biologiques), au cours de plusieurs milliers d’années. L’érosion des roches a dégradé la roche mère en granulats de tailles variées qui s’agglomère pour former la terre. Très disparate, la granulométrie de ce matériau varie énormément selon les lieux.

La terre contient les éléments suivants :

  • blocs >20cm
  • pierres de 7.5 à 20cm
  • cailloux de 2 à 7.5cm
  • graviers de 0.2 à 2cm
  • sable grossier de 200 à 2000μm
  • sable fin de 50 à 200 μm
  • limon grossier de 20 à 50 μm (c’est-à-dire la taille d’un cheveu)
  • limon fin de 2 à 20 μm
  • argiles <2 μm
Granulométrie d’une terre
Granulométrie d’une terre à pisé montrant la proportion et la taille des différents grains qui la composent, Source : CRAterre-Arnaud Misse

La proportion de ces différents éléments peut varier localement, ce qui donne à chaque terre des qualités différentes, les jardiniers amateurs le savent bien ! Les teintes peuvent également varier selon les minéraux présents dans celle-ci.

               Un matériau miracle ?

La terre est un matériau aux multiples avantages :

  • sa densité élevée lui confère une forte inertie, parfaite pour le confort d’été !
  • sa résistance mécanique importante permet de l’utiliser comme matériau structurel
  • sa structure moléculaire en fait un très bon régulateur hygrométrique
  • elle est perméable à la vapeur d’eau et peut donc être mise en œuvre avec d’autre matériaux biosourcés (isolants paille, chanvre, etc.)
  • elle présente des performances acoustiques intéressantes, elle peut notamment jouer le rôle de masse absorbante
  • la variété de teinte à disposition naturellement et la diversité de finition possible en font un matériau très esthétique
  • extraite et utilisée localement, elle est un matériau à très faible empreinte carbone, le circuit court par excellence !
  • elle est réutilisable à l’infini si elle n’est pas stabilisée ou adjuvantée (pas d’ajout de chaux ou de ciment notamment)
  • il s’agit d’un matériau sain qui ne dégage pas de COV (composés organiques volatils), présents notamment dans les colles et les peintures.

C’est indéniable, la terre a de nombreuses qualités très intéressantes pour la construction. Son seul défaut, il en faut bien un, c’est qu’elle n’est pas isolante. Pour un confort optimal, il est donc intéressant de la coupler à d’autres matériaux qui ont une bonne résistance thermique.

Au-delà de ses qualités pour la construction, l’utilisation la terre crue permet le développement de filières locales et la mise en place d’une économie circulaire. Elle contribue également à la sauvegarde de savoir-faire artisanaux et au maintien d’une main d’œuvre qualifiée sur les territoires.

               Quelle mise en œuvre pour votre projet ?

Une technique pour chaque mode constructif
Une technique pour mode constructif, Source : CRAterre

Une géographie des techniques ?

On entend souvent que certaines techniques de mise en œuvre sont appropriées à des régions précises. C’est partiellement vrai, le choix d’une technique varie surtout selon la terre utilisée et selon sa granulométrie. Le pisé requiert une matière humide sans éléments végétaux, la bauge préfère une terre limono-argileuse, la terre allégée une terre argileuse, le torchis accepte une grande diversité de terres peu ou très argileuses (dites de maigres à grasses)… Si la terre trouvée sur le site ne correspond pas tout  à fait aux besoins de la technique il est possible de changer de mode constructif, ou bien de modifier sa composition en ajoutant des éléments : sables, argiles, fibres… En revanche, l’ajout d’adjuvants est moins vertueux que l’utilisation de la terre locale sans modification de sa granulométrie…

Afin de valider le choix de la technique utilisée et son adéquation avec la terre choisie, il convient de réaliser des tests. Ces tests sont empiriques et peuvent être réalisés directement sur le chantier ou sur le lieu d’extraction : tests visuels, de toucher, d’odeur, de lavage des mains, de l’éclat, de sédimentation simple, de cohésion, de granulat, de teneur en eau, etc. Le choix de la terre se fait également en fonction de l’homogénéité du gisement.

Une diversité d’aspects

Certaines techniques comme le pisé ou les enduits nécessitent en outre des tests spécifiques liés au mélange réalisé et à sa mise en œuvre. Il peut ainsi s’agir de la réalisation et de l’analyse d’un muret d’essai, de tests à l’arrachement ou de production d’échantillons.

Test arrachement, cisaillement
Echantillons et test à l’arrachement pour vérifier la résistance au cisaillement des enduits

Nous en avons parlé au début de cet article, les différentes techniques de mise en œuvre impliquent également une diversité de rendus possibles. Chaque technique a une esthétique qui lui est propre. La bauge peut avoir un aspect coffré ou être recoupée ce qui lui donne une esthétique plus brute. Les adobes peuvent être laissées apparentes, donnant à voir un mur maçonné assez proche de l’aspect d’un mur de briques cuites. Elles peuvent être moulées donc extrêmement régulières, ou au contraire réalisées manuellement donc très organiques. Les briques de terre comprimées (BTC) s’apparentent aux adobes mais avec une texture souvent plus granuleuse et généralement des dimensions plus grandes.

Mise en œuvre et rendus
Des mises en œuvre variées pour des rendus différents

Le pisé donne l’apparence d’une superposition de strates aux teintes légèrement différentes, à la manière de couches géologiques. Le torchis marie la terre et le bois, pouvant également permettre la réalisation de murs-claustras. Les enduits terre sont aussi divers qu’il y a d’artisans et de projets, plus ou moins riches en fibres, granuleux ou lisses, avec un large éventail de couleurs possibles… Pas de doute, vous trouverez l’aspect qui vous plait !

Vous avez déjà visité un bâtiment en terre ? Partagez vos ressentis en commentaires !

Le saviez-vous ? La terre se marie très bien avec la paille ! Découvrez notre projet « Un brin nouveau » pour en savoir plus.

Sources :

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