Construire en paille

Construire en paille

               Construire en paille c’est possible ! Bien loin de l’histoire des 3 petits cochons, la construction paille offre de réels avantages ! Très bon isolant thermique et phonique, la paille régule également l’hygrométrie et apporte un bon confort d’été. Matériau renouvelable et compostable lors de la démolition du bâtiment, sa faible empreinte carbone en fait un matériau de premier choix pour lutter contre le réchauffement climatique !

               Mais est-ce que ça tient dans le temps ?

               Idées reçues

Et bien oui ! Contrairement aux idées reçues véhiculées par l’histoire des 3 petits cochons, une construction en paille est loin d’être fragile ! Voici quelques préjugés souvent mentionnés :

– « La paille ça brûle facilement ! » Faux, elle a une bonne résistance au feu car elle a une densité élevée. De plus elle est souvent combinée à une barbotine de terre, ce qui ralentit encore plus la propagation des flammes.

– « La paille attire les souris, mon isolation va être rongée ! » Faux, la paille n’est pas consommée par les rongeurs car elle ne contient pas de grains (donc pas de nourriture). Elle a par ailleurs une forte teneur en silice et une densité élevée, ce qui la rend peu comestible par les rongeurs.

– « Une maison en paille va se décomposer au fil des années ! » Faux, elle a une bonne durabilité et une bonne tenue dans le temps, contrairement au foin qui se décompose. Comme les autres matériaux elle reste bien sûr sujette à l’humidité prolongée, c’est pourquoi les règles professionnelles guident sa mise en œuvre.

               Un peu d’histoire…

Justement, et si on remontait dans le temps pour voir depuis quand les constructions paille existent ? Nous n’allons pas retourner à la préhistoire, rassurez-vous, quelques siècles en arrière suffiront ! En effet, dans les années 1880, la paille était très souvent utilisée aux Etats-Unis. La technique utilisée était celle de la paille porteuse, c’est-à-dire qu’il n’y avait pas d’ossature. Les bottes assuraient ainsi à la fois l’isolation et la structure porteuse ! C’est ce que l’on appelle la technique Nebraska.

Maison Feuillette, les maisons paille chaude en hiver et fraîches en été
La Maison Feuillette dans le Journal « Science et Vie » de 1921, Source : RFCP

Plus proche de nous, prenons le cas de la maison Feuillette a été construite en 1920 à Montargis. Elle est composée d’une ossature bois, remplie avec une isolation en paille. Conçue par l’ingénieur éponyme, la maison Feuillette était pensée pour être économe, durable, facile et rapide à construire. Elle a d’ailleurs aujourd’hui plus de 100 ans et rempli encore parfaitement ses fonctions !

De même, de nombreux auto-constructeurs ont construit leur maison en paille au fil des décennies. Ce matériau a d’ailleurs connu un regain de popularité dans les années 1980. Depuis 2006 et la création du Réseau Français de la Construction Paille (RFCP), les méthodes pour construire en paille sont documentées. Des règles professionnelles ont d’ailleurs été éditées en 2012 et permettent aux constructions paille d’être assurées, au même titre que n’importe quel autre système constructif.

               Pourquoi construire en paille ?

La paille, un matériau aux multiples qualités, Source : Isol' en paille
La paille, un matériau aux multiples qualités, Source : Isol’ en paille

A première vue, la paille n’est pas un matériau prévu pour la construction. Et pourtant, la paille est un matériau aux multiples qualités :

  • très bon isolant, à la fois thermique et acoustique
  • bon déphasage, très utile pour le confort d’été, en particulier lorsqu’elle est associée à l’inertie de la terre crue
  • bonne régulation de l’hygrométrie, surtout lorsqu’elle est associée à la terre crue
  • sous-produit agricole abondant : il suffirait de 5% de la paille produite en France pour isoler tous les nouveaux logements construits chaque année !
  • produite localement, elle favorise les circuits courts : peu de transport et peu d’énergie grise nécessaire lors de la transformation
  • prix intéressant (mais en contrepartie, la pose nécessite beaucoup de main d’œuvre)
  • compostable ou réutilisable en fin de vie : les déchets de chantier sont également réduits
  • bilan carbone positif : comme toutes les fibres, elle stocke du carbone !
  • matériau sain : faibles émissions de COV (et ce même si elle n’est pas bio !)

Ses propriétés en chiffres :

  • Botte de paille à plat, épaisseur = 47cm, λ = 0.08 W/m.K, c = 1400 à 2000 J/kg.K, ϱ = 80 à 120 kg/m3, μ = 1,5
  • Botte de paille sur chant, épaisseur = 37cm, λ = 0.052 W/m.K, c = 1400 à 2000 J/kg.K, ϱ = 80 à 120 kg/m3, μ = 1,5

Note : Il s’agit ici des caractéristiques de la paille de blé, pour laquelle les règles de construction ont été écrites.

               Comment construire en paille ?

Il existe différents modes constructifs adaptés à la paille. Voici une courte description des plus couramment utilisés :

               L’ossature bois 

Différents types de mise en œuvre possibles : l’ossature bois, Source : RFCP
Différents types de mise en œuvre possibles : l’ossature bois, Source : RFCP

Tout d’abord, l’ossature bois. Il s’agit en effet du système le plus courant. L’ossature bois est construite conformément au DTU 31.2 et la paille est utilisée comme isolant en remplissage. Afin de limiter les chutes et une découpe systématique des bottes, le calepinage de la structure doit être pensé en fonction de la dimension des bottes et des règles de l’art. Généralement, on prévoit un enduit terre (ou chaux à l’extérieur) côté bottes de paille en continu et un parement en panneaux (Fermacell, bardage…) côté bottes de paille + ossature bois.

               Le système poteaux-poutres

L’ossature est alors indépendante de l’isolation. La structure peut être en position centrée, excentrée côté intérieur ou extérieur. Dans ce dernier cas, il faut être vigilant aux traversées de la structure dans l’isolation car celles-ci génèrent des ponts thermiques et acoustiques. La meilleure configuration dans ce cas est celle de l’ossature excentrée côté intérieur.

               L’ossature tunnel, dite « GREB »

Cette technique est souvent utilisée par les auto-constructeurs car elle nécessite de plus petites sections de bois (plus faciles à manipuler). Elle consiste en une ossature double (intérieure et extérieure), entre laquelle sont glissées les bottes de paille. Un mortier spécifique est ensuite coulé entre les montants d’ossature afin d’assurer le contreventement. Ce système constructif permet une isolation continue, sans ponts thermiques, mais il nécessite cependant beaucoup de bois. Le dimensionnement de la structure doit faire l’objet d’une note de calcul afin d’assurer la pérennité du bâtiment.

Différents types de mise en œuvre possibles : l’ossature tunnel (GREB)
Différents types de mise en œuvre possibles : l’ossature tunnel (GREB)

               Les caissons préfabriqués

Souvent constitués de poutres en I ou de poutres-treillis, les caissons sont fabriqués en atelier. Ainsi, la paille est mise en œuvre au sec et plus simplement car le caisson est à plat. Les caissons sont ensuite assemblés sur chantier. Cette méthode est intéressante si l’atelier se situe à proximité du chantier. Dans le cas contraire, l’impact carbone du transport peut être conséquent.

L’utilisation de la paille comme isolant de toiture s’apparente au fonctionnement des caissons.

               L’isolation paille par l’extérieur

Cette technique n’est pas encore décrite dans les règles de construction. Plusieurs procédés sont en développement ou déjà commercialisés : bottes de paille plus étroites (22cm), panneaux supports d’enduit, etc. Ils pourraient notamment permettre d’étendre l’utilisation de ce matériau biosourcé aux travaux de rénovation énergétique.

               Quelles sont les précautions à prendre ?

  • Prévoir de bonnes bottes et un bon chapeau ! Pas pour vous bien sûr, mais pour votre maison ! Les débords de toits doivent être suffisants pour protéger les façades des intempéries (le fameux chapeau). Un soubassement, une rupture de capillarité et une garde au sol (supérieure à 20cm) sont essentiels pour poser la paille sans risque de remontées capillaires (les bonnes bottes).

De bonnes bottes et un bon chapeau ! Source : RFCP
De bonnes bottes et un bon chapeau ! Source : RFCP
  • Stocker les bottes correctement avant et pendant le chantier (à l’abri de la pluie, sur palette, éviter le tassement lors du stockage…).
  • Bien choisir ses finitions intérieures et extérieures : respecter la perméabilité à la vapeur d’eau (μ plus faible côté intérieur et plus élevé côté extérieur)
  • Réfléchir à la méthode de contreventement utilisée, éviter le métal au contact de la fibre.
  • Vérifier la densité des bottes de paille (entre 80 et 120Kg/m3) et leur taux d’humidité (inférieur à 20%) avant mise en œuvre. C’est ce qui vous assure de bonnes performances thermique et une tenue dans le temps.
  • Passer la plomberie et l’électricité dans des gaines. Laisser les raccords de plomberie accessibles.
  • Eviter les ponts thermiques ! Pour cela, ne laissez pas d’interstices entre les bottes de paille et anticipez bien tous les raccords. Si besoin, vous pouvez utiliser ponctuellement un isolant complémentaire de mêmes caractéristiques.
  • Comme souvent, l’idéal avant de se lancer c’est de se former (Propaille) ou de faire appel à un professionnel qualifié ! Il pourra notamment vous aider à adapter la forme de votre maison et le calepinage de votre structure porteuse afin de limiter les découpes fastidieuses et chronophages…

Vous êtes convaincus et vous souhaitez construire votre maison ou votre extension en paille ? Contactez-nous !

Vous hésitez encore et vous souhaitez découvrir les autres isolants biosourcés ? Retrouvez notre article sur le sujet en cliquant ici.

Sources

  • RFCP. Règles professionnelles de la construction en paille, 3ème édition. Editions Le Moniteur, 2018.
  • RFCP et Oïkos. Carnet d’outils et astuces du chantier paille. RFCP, 2018.
  • Centre National de la Construction Paille, La maison Feuillette [en ligne]. Disponible sur < https://cncp-feuillette.fr/maison-feuillette/ >

2 réactions sur “ Construire en paille ”

  1. pascal27 Réponse

    Bonjour, c’est un bonheur que de parcourir ces quelques pages de construction en paille. Bravo pour cette publication qui permettra à certains je l’espère « D’OSER » car en fait c’est en OSANT que l’on construit avec ces matériaux vivants qui sont respirants et perspirants. Tenus à l’abris de l’eau, ils seront certainement là très longtemps…
    En 2010 je me suis lancé sur un projet de réhabilitation d’une vieille bâtisse Normande, repris l’ensemble des murs, remplacé, repositionné des colombages, lattage, bauge terre/paille et Terre/lin entre colombage puis croisé à l’intérieur pour éviter les fissures au niveau des colombages. Ossature bois (planches) puis intercalaire de bottes de paille en éliminant les ponts thermiques, tassement des bottes avec planche et cric pour insérer la dernière botte sous les poutres ossatures de la charpente. Fait les rampants et botte de paille et le grenier (en fait c’est une maison en paille dans la maison en colombage plus bauge). Ensuite enduis la paille avec de la terre puis ensuite de la chaux NHL3,5 + sable 2 couches (avec quelques essais en Chaux/Sable/paille de lin)
    Les murs internes sont en colombages plus bauge et finition avec terre plus un peu de chaux pour stabiliser la poussière de terre.
    Les murs principaux sont posés sur un hérisson de silex de 30cm. Les sols sont sur un hérisson de silex puis une paille plus chaux damée puis soit un béton de chaux avec pierre de bourgogne ou Ossature bois pour recevoir un parquet en chêne massif… Bref c’est une maison très agréable à vivre (faible hygrométrie très facile à chauffer Environ 5 stères de bois pour à peine 100m2 au sol plus étage. Avec des sondes ; on mesure au plus bas 15°C dans les murs en hiver et parfois un peu plus de 20°C en été.
    Au départ de ces constructions il faut être vigilant sur les rongeurs tant que la paille contient des graines qui sentent encore l’amidon. J’ai étalé pas mal d’herbes aromatiques sur le grenier (notamment de la menthe poivrée) pour repousser les rongeurs et posé aussi des appâts empoisonnés (pas le choix !)
    Bien surveiller les murs externes et boucher régulièrement les quelques trou effectués par les oiseaux, insectes et parfois rongeurs. Dans le temps tout se cale bien et la maison reste fraîche l’été et chaude l’hiver.
    Ce petit projet représente plus ou moins 14000 heures de travail entre la reprise de la charpente, la couverture, la reprise des 4 murs externes, la pose des murs internes, sols, électricité, radiateurs eau pour chauffage (dont on ne se sert pas mais en prévision) … etc etc…. C’est un vrai projet de vie, il ne faut pas compter son temps passé !
    Bien à vous et essaimez pour ce genre de construction dont l’empreinte carbone est d’actualité ainsi que le coût énergétique de chauffage…

    • Audrey Auteur Article

      Bonjour,
      Merci pour votre commentaire qui nous fait très plaisir ! Nous sommes heureux d’avoir des retours d’expériences positifs comme le vôtre ! Si notre article nous a plu, n’hésitez pas à le partager autour de vous. Nous sommes toujours ravis de savoir que nos articles contribuent à guider de nouveaux projets écologiques.

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